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CinEdito
10 décembre 2007

Les damnés

Les_damn_s___250Réalisateur : Luchino Visconti
Genre : Tragédie psychologique et historique
Résumé : Allemagne 1933. Pour continuer à développer ses activités et consolider sa fortune, une famille de grands industriels métallurgistes allemands prend conscience qu'elle doit se rapprocher du jeune pouvoir nazi et servir les nouveaux idéaux de la nation. Exacerbant les différents intérêts et courants de pensées, ce changement de cap est le prélude a une lutte impitoyable pour le pouvoir et la survie entre ceux qui vont se compromettre avec le mal sans possible retour.

Ce qui caractérise le film : Un chef d’œuvre absolu d'une beauté et d'une noirceur extrêmes.

Note artistique : Tantôt fresque théâtrale et spectaculaire, tantôt huis-clos intime révélant la couleur des âmes, "Les damnés" explore la déchéance des individus aux heures les plus sombres de l'histoire. La caméra de Visconti prend du recul lorsqu'elle met en scène les rites de la famille ou du groupe en un somptueux tableau puis, dans la même séquence, elle vient zoomer sur les personnages pour nous plonger dans leurs secrets ou leurs pensées.

Note filmographique : "Les damnés" est sans doute le plus grand film de Visconti et, en ce qui me concerne, l'une des plus grandes œuvres de l’histoire du cinéma.

Points forts
: Sans action, sans démonstration émotionnelle, sans offrir la moindre possibilité de s'identifier à l'un ou l'autre de ses personnages, "Les damnés" impressionne néanmoins par sa puissance narrative hors du commun et conserve tout son impact plus de 35 ans après sa création. Cette force, il la doit en premier lieu à un scénario aux multiples retournements qui malmène ses personnages - tour à tour innocents, comploteurs, traîtres, bourreaux ou victimes - révélant la pathétique fragilité des ambitions, certitudes et destins qui emporteront les uns et les autres dans la tombe, la folie ou dans une inexorable descente aux enfers à mesure que s'éteindront leurs dernières parcelles d'humanité. Il la doit ensuite à son ancrage dans une réalité historique dont il relate les événements marquants - conquête machiavélique et sans scrupule du pouvoir par les nazis, accompagnée de la destruction systématique de toute pensée alternative - et dont il hérite substance et crédibilité, le lien entre le récit et l'Histoire étant incarné par un officier SS qui tire les ficelles en coulisses, symbolisant à lui seul le régime amoral et sans pitié dont il est à la fois le fruit vénéneux et la graine immonde. Il la doit également à sa conclusion implacable - à l'exact opposé d'un "happy end" - qui voit le mal triompher à l'issue d'une ultime et improbable scène de mariage décadente, lugubre et funèbre aux accents quasi fantastiques.
Les_damn_s___photoIl la doit beaucoup à ce personnage pervers et torturé - magistralement interprété par Helmut Berger - qui évolue de l'effacement lâche et coupable jusqu’à la domination démente et vengeresse, ainsi qu'à l'ensemble de la distribution qui est également remarquable. Il la doit enfin à la longue séquence qui illustre l’événement historique de "la nuit des longs couteaux" – le massacre des SA par les SS pour un pouvoir sans faiblesse ni partage - sommet esthétique, narratif et symbolique figurant parmi les scènes les plus marquantes et fascinantes qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie de cinéphile. La séquence débute par le rassemblement festif des principaux responsables des SA et de leur garde rapprochée sous un soleil estival au bord d’un lac. Elle se poursuit par une fête nocturne, joyeuse, populaire et folklorique, magnifiée par une caméra qui s'y attarde longuement jusqu’à traquer dans les postures et les regards, au delà des chants et des éclats de rires, quelque prémonition de la trahison et de la mort qui doivent advenir. A l'aube, quand le silence a remplacé la musique et que les derniers fêtards luttent encore contre le sommeil, la caméra esthète de Visconti livre un plan absolument magnifique et surréaliste mettant en scène deux travestis immobiles sur une terrasse, contemplant les eaux calmes du lac alors que l'aube commence à poindre. Et quelques instants plus tard, la longue chronique d'une mort annoncée s'achève lorsque les SS débarquent dans leurs uniformes noirs et impeccablement inhumains massacrant dans les dortoirs de leur hôtel les SA assoupis dans leur pâle et humaine nudité. Tragique, crépusculaire et sublime.

Note subjective : 10 / 10

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